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Apprendre à gérer son stress au travail

le 18/11/2019

Pour la seconde année consécutive, le Dr Christophe Massin, psychiatre et spécialiste des risques psycho-sociaux a donné à l’Hôpital privé Claude Galien (Ramsay Santé - Quincy-Sous-Sénart) une conférence sur la gestion du stress au travail. Une conférence soutenue par la direction de l'établissement et le Comité de Lutte contre la Douleur (CLUD).

Ce sujet est l’aboutissement d’une longue évolution. En France tout a commencé avec un médecin au XIXème siècle (seulement !) qui s’est ému du travail des enfants : il a été à l’origine du vote d’une loi qui interdisait le travail des enfants de moins de 7 ans… On a reconnu les blessures physiques professionnelles évidentes (blessures lourdes comme une amputation), puis les blessures physiques plus "subtiles" qui blessent à plus long terme (maux de dos, tendinites, exposition aux bruits élevés, etc …). Enfin les bien-être psychologique a été mis en avant ; d’abord nié ("Dans notre entreprise, cela n’existe pas"), il s’est imposé quand des vagues de suicide sont arrivées dans certaines grandes entreprise. Il est d’autant plus difficile à apprécier que les paramètres ne sont plus physiques, mais psychologiques et donc beaucoup plus difficiles à mesurer objectivement.

La définition du stress

Elle a d’abord été physiologique : c’est le syndrome général d’adaptation" de Hans Selye. Il s’agit d’une réponse qui permet de faire face à un danger vital immédiat (comme un prédateur qui poursuit une proie) : le corps mobilise soudain son énergie pour se battre ou s’enfur ("fight or flight"). Quand le danger est écarté, tous les mécanismes impliqués se calment.

C’est cette même réaction de stress qui est en jeu dans notre quotidien, même si notre survie n’est pas en jeu. Il est très important de comprendre qu’elle est tout-à-fait aspécifique et cumulative : c’est le même stress physiologique pour un problème familial, une grosse pression au travail, une agression dans la rue, etc… Et si c’est rapproché, cela s’accumule.

Le stress au travail

La situation n’est linéaire et simple, mais interactive : il y a l’environnement de travail (les bureaux, l’espace, le bruit ambiant), les autres personnes, et la personne elle-même (ce dernier point est important : les "stresseurs internes" peuvent être importants, comme par exemple qui "se met la pression" avec des exigences démesurées).

On peut prendre l’exemple d’une infirmière stressée dans une équipe de 3. On apprend qu’il y a eu des restructurations : moins de personnel pour la même charge de travail : problème d’environnement. Mais on apprend que dans l’équipe, quand on demande à une de ses collègues de faire un effort, c’est toujours "non", alors que les deux autres le font régulièrement : problème managérial. Mais on apprend aussi que cette infirmière a un caractère qui ne dit jamais non, et qui veut toujours faire plaisir à tout le monde : stresseur interne. Cet exemple rapide donne un aperçu de la complexité de la situation.

Il sera donc nécessaire d’agir sur chaque point pour être efficace.

La définition du stress par l’accord national interprofessionnel de 2003 est un déséquilibre entre la perception des contraintes et de ses propres ressources. Cette définition intègre évidemment une dimension politique, intégrant les discours patronal et syndical.

Le stress positif (ou normal) et le stress négatif

Dans le stress positif, il y a une mobilisation de l’énergie pour faire face à une situation, puis une phase de descente demandant un repos, puis un retour rapide à l’état "normal" (ou neutre). Dans cet état tout est en général assez clair : on sait quand ça a commencé, et quand cela s’est terminé. Dans le stress négatif, la mobilisation excessive de l’énergie continue, sans permettre la redescente nécessaire : Il y a accumulation. Dans cet état au contraire, on ne se rend pas compte de son état : la vie semble "normale" comme ça. Et on fait remarquer à la personne stressée que "ça ne va pas", il y a déni. Le risque, c’est le burn-out, qui lorsqu’il arrive peut demander plusieurs mois (jusqu’à un an) de repos. Il peut être tel qu’une personne ne peut plus écrire, ni même additionner 2+2….

Les différents signes d’alerte d’une réaction de stress sont à connaître :

  1. La phase précoce (en secondes) : palpitations, sueurs, boule au ventre, tremblements, etc. ; c’est la réaction "normale". Les signes sont très variés en fonction de chaque personne et il est important de connaître ses propres signes
  2. La phase de résistance (en heures/jours) : signes fonctionnels (troubles de l’appétit, du sommeil, troubles du transit intestinal, etc.)
  3. La phase d’épuisement (en quelques mois) : la maladie physique ou la baisse des capacités cognitives (concentration, capacités de jugement et/ou de raisonnement)

Que faire ?

Les réponses sont à court terme (ce qu’on fait pour se calmer tout de suite, dès qu’on voit que ça monte) et à long terme.

  1. Les activités physiques : le sport, la danse, le yoga, la relaxation… Il y en a beaucoup d’autres. Le point commun est la respiration abdominale, qui est rétablie, et profondément apaisante
  2. Les activités créatives : artistiques, de jardinage, de bricolage, etc.

Une fois cela posé, il est important qu’il y ait "un pilote dans l’avion" :

  • Des "arrêts-minutes" de 30 à 60 secondes plusieurs fois par jour, en se disant à soi-même : "Comment vas-tu ?"
  • Les rendez-vous avec soi-même, plus long, tous les jours ou toutes les semaines ou tous les mois : faire le point, voir à quoi passe l’énergie, définir les priorités
  • Apprendre à mettre des limites et à dire stop ; on ne peut pas compter sur les autres pour le faire pour nous ; cela s’apprend et s’entraine (nous ne sommes pas du tout égaux à la base sur ce point)
  • La méditation de pleine conscience : une pratique simple et extraordinaire

La méditation de pleine conscience

Introduite dans les années ’70 et ’80 par un chercheur scientifique américain (Jon Kabat-Zinn), elle reprend des pratiques essentiellement bouddhistes, mais complètement dénuées de toutes signification religieuse. Elle est scientifique et absolument laïque. Elle a été développée initialement pour le traitement du stress (MBSR – meditation based stress reduction et de la dépression (MBCT – meditation based cognitive therapy)

Elle est basée sur une assise en silence, tranquille, une observation de sa respiration et de tout ce qui se passe à l’intérieur, physiquement, émotionnellement, avec acceptation complète et surtout tolérance (voire tendresse) avec soi-même. Malgré la simplicité de la définition, elle n’est pas évidente à pratiquer. Il est vite réalisé la difficulté à maintenir une attention constante, même quelques minutes. Elle s’entraîne et se pratique tous les jours. Elle incite à la compassion avec soi-même, comme si on se comportait avec un petit enfant qui essaie de marcher. Les intérêts de cette pratique sont nombreux : elle peut améliorer les conditions de vie.

 

Pour aller plus loin :

Livres : par le Dr Christophe Massin et Dr Isabelle Sauvegrain

  • version infirmier (H/F) : Soigner sans s'épuiser : le défi des infirmières et des soignants, Ed. Lamarre
  • version médecin (H/F) : Soigner sans se détruite, Ed. Douin
  • version "générale" : Réussir sans se détruite, Ed. Albin Michel

Pour la méditation : conférence "Méditation et Santé" de Christophe André